Durée

24 janvier

Il y avait déjà eu 6 jours de navigation entre Rotterdam et Malte. 

Et cela fera 9 jours que nous aurons quitté Malte lorsque nous accosterons demain à Khor Fakkan.

Neuf jours de mer ininterrompus, rythmés par les repas, par les retrouvailles avec les officiers de quart dont les horaires fixes finissent par devenir des rendez-vous, par les promenades autour du cargo à la rencontre des philippins toujours en train de s'activer, par les heures de lecture ou d'écriture face à la mer sur la passerelle, par les parties de "Quirckle" et de "Mister Jack" au salon, par les apéritifs sur la terrasse au soleil couchant.

Nous avons mis tout ce temps pour commencer à le sentir couler ; sentir couler ce temps, sans souci, sans contrainte matérielle aucune, couler de manière régulière et pourtant jamais terne. Comme l'eau rapide d'un torrent glissant uniformément dans son lit, mais dont les bulles, les éclaboussures, l'écume, les turbulences ne sont jamais identiques, ainsi les petits événements personnels, surprises, émotions, déceptions, donnent son relief à une vie apparemment monotone et régulière.

La répétition ne provoque pas l'ennui. Le mouvement, la nouveauté, l'imprévu qui irriguent notre vie active habituelle, se déplacent vers l'intérieur et l'intime, qui se trouvent libérés de toute contingence matérielle. On peut donner à une émotion ou une réflexion fugaces le temps de se développer, de prendre de la consistance, de se formuler. Les sens s'aiguisent, conscients que l'on est plus attentif à leurs informations.

Dans quatre jours, nous débarquons à Djebel Ali, Dubai. D'un coup, la vie de voyage va s'imposer : retrouver le monde immense, marcher dans la foule, dans la bousculade, chercher un hotel, prendre un train, ... C'est le rythme auquel nous sommes habitués. Notre esprit va sans cesse à nouveau être occupé à répondre aux sollicitations de la vie de globe-trotter. Nous devrions mettre moins de temps à nous y replonger que nous n'en avons mis à la quitter pour la vie de cargo !