vendredi 6 janvier 2017

Départ

Hambourg, deux heures du matin, 5 janvier. 

La passerelle est plongée dans le noir. On entend à peine, très assourdi, le moteur ronronner à 150 m derrière nous. Les quatre pilotes ont rejoint le capitaine et les 5 officiers qui préparent le départ du Benjamin Franklin.
Des chuchotements, des conversations à voix très basse, en anglais, en allemand, en croate, coupés par moment par l'intrusion crachotante de la VHF, dans la pâle lueur apportée par les éclairages du port, donnent une ambiance grave de concentration, de sérieux, comparable à celle d'une cérémonie à laquelle nous serions invités sans en connaître encore le déroulement.
Et puis, les voix se font plus rares, passant du ton de la discussion à celui des décisions ; la voix du pilote principal se détache, à laquelle répond comme en écho celle de l'homme de barre. Un silence d'attente s'installe, mélange de confiance et d'anxiété, comme celui qui précède le coup de baguette du chef d'orchestre. Et imperceptiblement, millimètre après millimètre, le monstre de 400m se sépare du quai sur le côté, grâce à ses moteurs d'étrave et de poupe. C'est comme si un morceau se détachait du port tel un iceberg de sa banquise. 
Après quelques minutes interminables, le moteur principal est embrayé : 0,1 noeuds, 0,2, 0,3, le bateau glisse silencieusement, faufilant son énorme masse entre les navires à quai et les tourelles de l'étroit chenal.
Sorti de la passe du bassin, la vitesse augmente légèrement, 3 noeuds ; le silence se détend. Les chuchotements, très faibles, reprennent. 
- One, seven, seven
- One, seven, seven, now, sir
- Thank you
- One, seven, five 
- One, seven, rive, now, sir
- Thank you 
Sous les ordres du pilote, l'homme de barre dirige le bateau avec une précision stupéfiante ! Sur les écrans, on voit le cap se modifier, indiquant en permanence la trajectoire théorique du cargo si les commandes ne sont pas modifiées. 
Toute la nuit, de phare à éclats en phare à éclats, se calant entre les bouées rouges et vertes du chenal, le bateau descend maintenant l'Elbe à 10 noeuds pour retrouver la pleine mer.
À cinq heures, nous retrouvons notre cabine pour essayer de récupérer quelques heures de sommeil ! Ce n'est pas nous qui sommes de quart !

2 commentaires:

  1. Magique, cette ambiance ! Ça fait envie ! :-)
    Bon, pour l'instant, Maman, la mer à l'air plate !
    Grosses bises à vous deux !

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    1. La mer est effectivement très plate et pas de coup de vent prévu ! Tout va pour le mieux ! le 3eme master nous a tout de même indiqué qu'il y a toujours de la houle dans le golfe de Gascogne et que le bateau bouge pas mal !

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