En arrière

Il est 12h55.

Cela fait 2 heures que nous avons fini de déjeuner. Dans le silence motorisé de la pénombre du Boeing qui nous emmène à San Francisco, je somnole doucement ...

Nous nous sommes levés tôt ce matin, à 4h30, pour embarquer à Roissy. Le temps maussade a fini par laisser passer le froid soleil de solstice, éclairant les pistes de l'aéroport.
Quelques minutes après avoir décollé, nous étions au milieu d'un ciel bleu lumineux, au-dessus de la grisaille parisienne. Direction Nord-Ouest, vers l'Angleterre, l'Islande et le Groenland.

Et puis, doucement, l'obscurité est arrivée... Derrière l'aile de l'avion la lueur du soleil disparaît. C'est bien un coucher de soleil ! Les hôtesses tentent de nous en persuader en éteignant la cabine et en nous proposant de dormir. Le corps ne se laisse pas faire et le sommeil ne vient pas franchement. 

Il n'est pas 12h55. 

Je ne sais pas quelle heure il est. Je ne sais plus rien. A force d'aller si vite et si loin, l'avion a dépassé le temps. Il Est derrière nous. Notre lever ce matin, le décollage, le déjeuner, ce n'était que des ratés, un bégaiement de l'écoulement du temps ; cela n'a pas existé, ce devait être un rêve, un rêve bizarre, pas forcément désagréable d'ailleurs. Tout à l'heure, lorsque nous prendrons la direction du Sud-ouest, tout va recommencer. Le jour va se lever pour de bon cette fois, sans hésiter ; et nous atterrirons à San Francisco sous un beau soleil ! Il sera 11h30. C'était il y a une heure et demi !